Les constituants des produits détergents :

Les matières de base sont classées dans la catégorie des corps chimiques appelés « agents de surface » ou « surfactants ».

Leurs molécules, dites amphiphiles, ont tendance à se rassembler aux interfaces huile-eau, solide-eau, air-eau, lorsqu’ils sont en solution aqueuse, d’où leur nom. Comme ils ont également pour effet d’abaisser les tensions superficielles et interfaciales, ils sont aussi nommés
« tensio-actifs ».

Quant aux savons, ils répondent aussi à la définition ci-dessus ; ce sont des corps tensio-actifs naturels. Certaines de ces molécules s’ionisent en solution dans l’eau. Elles sont appelées « anioniques » ou « cationiques », selon que l’ion portant la chaîne hydrocarbonée est chargé négativement ou positivement.

D’autres ne s’ionisent pas et sont dénommées « non ioniques ». On obtient donc trois grandes classes de tensio-actifs.

Les tensio-actifs anioniques : en premier lieu les sulfonates préparés par sulfonation à l’oléum ou à l’anhydride sulfurique d’hydrocarbures de synthèse : les alkyl-benzènes. Le plus représentatif de ce groupe est le dodécyl-benzène-sulfonate de sodium, très employé comme matière de base.

Ces substances, très actives sur le plan de la détergence, ont l’inconvénient de présenter une certaine agressivité envers la peau. C’est pourquoi on leur préfère les alcane-sulfonates ou les alcools gras sulfatés à chaînes droites. Les savons, carboxylates de sodium ou de potassium, se classent parmi les matières de base anioniques naturelles.

Les tensio-actifs non ioniques :

Ils sont surtout représentés par des molécules de synthèse, obtenues en fixant chimiquement un condensat d’oxydes d’éthylène (éthoxylation), qui apporte le caractère hydrophile, souvent sur une molécule d’alkyl-phénol à chaîne droite, mais aussi quelquefois sur une molécule d’alcool ou d’acide gras. Le fabricant peut jouer sur le nombre de motifs d’oxydes d’éthylène, qui est généralement de l’ordre de douze, parfois beaucoup plus élevé, pour régler le caractère hydrophile de la molécule.

Ces matières de base ont un pouvoir détergent élevé, moussent peu, sont insensibles à la dureté de l’eau ; leur agressivité vis-à-vis de la peau et des fibres délicates est modérée. Il est aussi possible, après avoir éthoxylé des alcools linéaires, de les sulfater. On obtient alors des éther-sulfates de sodium, de type anionique, aux propriétés tout à fait remarquables. Ils allient les qualités des anioniques à celles des non ioniques : pouvoir détergent et moussant très élevé, douceur pour la peau et les textiles entre autres.

Les tensio-actifs cationiques :

Le pouvoir détergent des cationiques est faible. Ils ont en outre l’inconvénient de floculer avec les anioniques, ce qui en limite l’emploi. Ceux de la classe des ammoniums quaternaires, tel le chlorure d’hexadécyltriméthylammonium, aux propriétés antiseptiques, sont incorporés dans des détergents désinfectants, pour nettoyer des laiteries par exemple, ou dans des savons médicaux. En outre, du fait de leur fort pouvoir d’adsorption sur les fibres, ils sont utilisés comme additifs assouplissants, adoucissants et lustrants.

 

Les autres constituants :

Les adjuvants et charges ont pour fonction de diluer les matières de base, de renforcer leur action détergente et d’apporter au produit commercial des qualités complémentaires.

Les phosphates, surtout le pyrophosphate de sodium ou de potassium, ont une action adoucissante sur l’eau tout en renforçant le pouvoir dispersant des agents de surface par effet de synergie. Les phosphates des détergents contenus dans les eaux d’égouts ainsi que ceux qui proviennent des engrais et des rejets industriels divers sont responsables de la prolifération exagérée d’algues dans les étangs (c’est pourquoi on entend parler de lessive sans phosphate), entraînant un appauvrissement de l’oxygène dissous et la disparition de la faune aquatique : c’est le phénomène d’eutrophisation.

D’autres adjuvants, les silicates, sous forme de métasilicates surtout, exercent une action anticorrosive sur le matériel de lavage.

Quant au carbonate de sodium, il joue le rôle de charge alcaline permettant, à chaud, la saponification des graisses contenues dans les salissures et favorisant ainsi leur solubilisation sous forme de savons.

Certains adjuvants ont un effet très spécifique. Tels sont les perborates, employés comme oxygénants, la carboxyméthylcellulose, agent anti-redéposition (fameux sketch de Coluche sur la publicité des lessives), et les azurants, qui absorbent la lumière dans l’ultraviolet, la ré-émettent dans le bleu, renforçant ainsi l’apparence de blancheur des tissus (c’est donc plus blanc que blanc !). Dans cette même catégorie d’adjuvants, il faut citer les enzymes, catalyseurs biochimiques, capables de dégrader les souillures incrustées dans les tissus.

Enfin, les colorants et les parfums apportent un certain agrément aux utilisateurs.

Propriétés des détergents synthétiques :

Les propriétés mises en jeu au cours du lavage sont les pouvoirs mouillant, moussant, dispersant et émulsionnant des agents tensio-actifs.

Le mécanisme de la détergence peut se résumer comme suit : on assiste tout d’abord à un mouillage des supports et des salissures, ce phénomène étant particulièrement important au cours du lavage des tissus ; les agents de surface se déposent ensuite en couches monomoléculaires aux interfaces salissure-support-bain, leurs molécules s’orientant de sorte que les parties hydrophobes s’éloignent de la phase eau, donc qu’elles pénètrent dans la phase huileuse des salissures et qu’elles adhèrent au support.

Les particules de salissure, entourées par les molécules d’agents de surface, s’arrondissent alors, réduisant ainsi considérablement leur surface de contact avec le support. Tous ces processus ont pour effet de fragiliser les liaisons salissure-support, si bien qu’une action modérée – battage manuel ou rotation dans le tambour d’un lave-linge – suffit à les rompre. Les particules de salissure se trouvent alors dispersées dans le bain d’une façon d’autant plus stable qu’elles sont généralement chargées négativement, du fait de la présence habituelle d’éléments tensio-actifs anioniques, et se repoussent donc mutuellement.

En outre, aux doses d’emploi, les molécules d’agents de surface forment des micelles, agglomérats de vingt à quelques centaines de molécules, dont les parties hydrophobes sont disposées à l’intérieur. Ces micelles ont le pouvoir de solubiliser les graisses des salissures. Elles constituent aussi une réserve de détergent et se dissocient en molécules unitaires dès que la concentration en surfactant dans le bain devient trop faible.